18/05/2009

Lilac wine

Assise au bar, la tête entre les mains, je compte les fissures dans le bois pour éviter de penser.
Je me demande où tu es. Je me demande ce que tu fais. Je commande un verre de vin. Du vin à la texture dense, obscur comme mes idées. Mais obscur comme les boucles de tes cheveux. Je me demande si tu ris. Le vin tremble et des circonvolutions roulent, ondulent, se perdent à sa surface. Elles s'évanouissent comme nos jours ensemble. Je me demande si tu dors. Le vin est d'un rouge profond et brille comme un rubis, il brille comme étincellent tes dents blanches entre tes lèvres rosées le matin, purpurines après les baisers. Je me demande si tu souris à quelqu'un. Le vin a un goût corsé et assèche mes lèvres, comme tu asséchais mes paroles par une seule de tes paroles, comme tu frottais ton pouce sous mon œil pour faire sécher une seule de mes larmes. Je me demande si tu as pleuré, toi aussi. Le vin brûle ma gorge - je n'ai plus l'habitude de boire -; il brûle comme brûle chacun de tes reproches, chacune de tes insultes, dans mes souvenirs; il brûle comme ont brûlé mes yeux d'avoir trop pleuré pour toi; il brûle comme les cendres du plaisir avant que le feu ne s'éteigne. Je me demande où tu vas. Le vin me fait tourner la tête et trouble mon regard - il me semble avoir bu autant de verres que j'ai d'images de toi à l'esprit -; il me tourne la tête et brouille mon regard comme la vision de tes pas qui s'éloignent sans que jamais tu ne te retournes. Je me demande où tu es, ce que tu fais, où tu vas. Le vin me pleure comme il pleut - et mes cheveux humides font des frisottis. Je me demande si tu penses à moi - mais je ne vois plus rien - mais j'étends ma tête trop lourde sur mon bras - et je m'endors.
Et je t'oublie.


30/03/2009

Prétérition

Je crois que cet endroit est un fantôme.
Il ne me ressemble plus.
Il va sans doute falloir faire le ménage.

Mais ça n'a absolument rien à voir.

19/03/2009

Rags

La scène est suspendue dans le vide au-dessus d'une falaise. Elle forme un demi cercle et est séparée des coulisses par un gros mur de plâtre qui ne laisse pas deviner les coulisses derrière la porte à deux battants. La foule des spectateurs ne peut l'observer qu'à partir du fossé aux pieds de la falaise. Le roi siège sur son trône surélevé par un pilier à une hauteur légèrement supérieure à la scène, face à elle. La scène est vide, le roi baille.

LE ROI : Je veux me divertir. Jouez.

LA FOULE : Le roi s'ennuie, il faut l'amuser ! Où es-tu, vieux poète?

LE ROI : Ce maudit poète mériterait d'être pendu sur sa scène. Où est-il encore?

LA FOULE : Le poète ne se montre pas. Il fait porter les masques, et jamais ne les lève tout à fait.

La porte s'entrouvre, un homme vêtu d'une cape damée s'avance. Il sourit, fait mine de pleurer, éclate de rire jusqu'à ce qu'il ne rie plus du tout

LE BOUFFON : Oh, si mon maître savait ! Son cheval s'est pendu, et sa dame est endeuillée ! Les ennemis arrivent, ils sont aux portes du château. Mais mon maître rêve, il parle d'un monde invisible, il ne voit plus personne, il pleure et il rit. Il ne voit pas les troupes des Huns, les barbares germains, les Maures de Carthage qui se précipitent à ses portes pour exiger sa tête sur un plateau doré. Son vieil oncle est désespéré, et sa femme pleure déjà sa mort.

(...)

11/02/2009

It went away somehow

Le miroir s'est brisé. Rien de triste là-dedans.
J'ai construit un mur pour ne plus recevoir de coups.
Je l'ai rembourré avec des coussins ouatés pour ne plus entendre ces mots effrayants.
Je dors, je dors.

Quand je vois où ça mène, je ne suis pas sûre de désirer tant l'objet que je me suis donné. C'est comme si, sur une photographie, l'arrière-plan, quoique flou, semblait plus digne d'intérêt, peut-être même plus beau, que le sujet de la photographie, trop net, trop brillant, trop faux.
Those similees are not so witty.
C'est comme si cette photo partait dans un vieux carton.
Les réflexions des autres ne me font plus tant rêver.
Je ne tombe plus amoureuse, de personne, de rien.
Suis-je malade?
I could be a hundred-year-old.

02/01/2009

Reflexion - Réflection

Broken mirrors
Fallen pieces -
Reflection of faces -

I used to wear
On my bare arm
One, two, three glimpses of colors
The mist brought them down in lies, anguish, and grief
- In oblivion -

But then, throughout, tough and not rough
The lost thread of dark paths
Of dark moments
Of renewed moments

28/12/2008

Je changerai tes larmes en diamant

En réalité, je commence à me lasser du noir.
Je me disais que les couleurs étaient plus vraies à coté du noir. Par contraste.
Je me disais que le noir était pourvu d'un pouvoir magique qui faisait naître le choses au milieu de rien.
Peut-être n'est-ce rien.
Mais alors, quelle couleur?
Quel nom de couleur pour changer les larmes en diamant, le bois en fer, la boue en or?
Toutes ces peaux, qui glissent les unes derrière les autres, les unes dans les autres, les unes en dehors des autres.
Qu'y a-t-il à l'intérieur? si la beauté est un puit, qu'y a-t-il à l'intérieur? Est-ce que la beauté n'est pas autour de ce vide?
Et non le contraire.
J'ai longtemps cru que la beauté était un univers où se formerait une planète. Peut-être est-ce davantage le nuage à la mer et l'étendue que leur séparation contient, l'étendue qui les rassemble. Peut-être est-ce le coffre, et non le trésor.
Faire semblant.
Ce faire semblant paraît gorgé de promesses lumineuses.


J'ai changé de visage. J'ai changé de corps. J'ai changé.
La fameuse question qui remonte en surface - qui suis-je? - amène sur son sillage une multitude d'autres questions; et avec elles quelques décisions. (et il ne s'agit pas de résolutions. Rituel auquel je n'adhère pas vraiment.)
J'ai tellement envie de retourner à Londres.

07/12/2008

Or so I see...




haute comme une fleur
belle comme un arbre
ni son ni odeur
le silence est de marbre

A tailler les pétales, à sauter les haies, à crever les pistils, à cisailler les feuilles, à pisser tout autour. Ah ! mais... Vos fleurs sont des remèdes, vos fleurs sont les remèdes à mon cœur. Le chemin n'est pas si long qui mène à la floraison. Blossom. Je ferai un bouquet de violettes, un bouquet de muguet, un bouquet de chrysanthèmes, un bouquet de chromosomes. Et les saisons passeront une à une. Cueillez un à un les cris qui poussent sous mes ongles, le long de mes paupières. Oh Mai !

- Imaginez-vous, monsieur le Lapin fou, monsieur chat-beauté, monsieur je-fume-le-narguilé, que j'ai discuté ce matin même avec des œillets
- Des œillets, vraiment? On dit que ceux-ci sont difficiles, et perspicaces.
- Oh, vraiment observateurs. Certains d'entrent eux portent même des lunettes.
- S'ils portent des lunettes, ils n'ont sans doute pas mal aux dents.
- Mais voyons, monsieur je-fume-le-lapin, les œillets n'ont pas de dents.
- Ah vraiment, madame?
- Voyons, dîtes "mademoiselle", je n'ai que vingt ans.
- Si vous insistez, madame.
- Merci bien, monsieur le chat-fou.
- Je vois... Je vois... Vous en êtes bien sûr? Cela est-il si apparent?
- Plus clair que de l'eau rocheuse.
- Je vois... On dit que les fleurs aiment le soleil.
- Oui, certains d'entrent eux ne le regardent cependant jamais de face.
- Comme la lune.
- La lune?
- Oui. La lune. Je ne saurais vous dire pourquoi cependant.
- On ne peut vraiment pas avoir une conversation censée avec vous.
- Censée? Sensée?
- Voyons, voyons, l'orthographe ne s'entend pas, monsieur le narguilé-beauté.
- Suis-je sceau?
- Quelles armes?
- Des armes? Madame, vous n'entendez vraiment rien à rien.
- Et vous, vous êtes vraiment de très mauvaise compagnie. Je m'en vais.

Et je ne vous regretterai pas ! Songeait-elle en s'éloignant. Cet énergumène ne comprenait vraiment rien, et ne l'aidait vraiment pas à retrouver son chemin. Parce que, bien sûr, elle s'était perdue. Perdue au milieu des fleurs, des fleurs géantes qui lui faisait de l'ombre, et lui faisait craindre de ne plus jamais revoir la lumière du soleil. Et cependant, il devait bien y avoir une issue hors de cette jungle miniature. Je suis si petite, se disait-elle, jamais je ne me ferai remarquer. Et pourtant, il devait bien y avoir une issue...

02/12/2008

La fête I

La brume éclaire la nuit d'un scintillement glacé d'hiver; elle s'élève en volutes timorées au-dessus d'un grand chapiteau aux couleurs obscènes : bleu, orange, rouge, vert, mauve. Des couleurs qui crient, des couleurs qui rient, des couleurs qui prient, qui demandent l'absolution, qui se repentent des spectacles dont elles ont été témoins. Elles sont la césure agressive du dedans et du dehors. Dehors : la pluie, le froid, le calme. Dedans : la chaleur, le plaisir, l'ignominie. Le silence libre du repos bercé par l'éclat diaphane de la lune - le silence contraint de la douleur observée par des milliers d'yeux violés.
Des danseuses font des pointes, elles s'accordent en se transperçant, elles sont la souplesse rigide de la beauté automate - quelque chose qui n'existe pas. Des éléphants miment les mouvements des demoiselles, forment des arabesques gigantesques, arborent leurs trompes massives aux allures de serpents; leur regard est dur, leur peau est rugueuse, ils sont une masse invisible. Des trapézistes, des fakirs, des magiciens, des foulards, rubans et falbalas, des bâtons de feu, des couteaux, des chevaux, des juments, des hyènes, des lions effrayés, des autruches, des panthères, des ours, des vautours, des serpents, des boucs, des chèvres, des bœufs, des baleines, des licornes, des singes, des zèbres, des chimères, des harpies, des minotaures, des centaures, des sirènes, des satyres.
Le clown est assis dans un coin, il ne voit pas la funambule le regarder en sanglotant. Son maquillage coule; las, il fait tourner la manette d'un orgue de barbarie.


Découvrez Leila!

16/11/2008

J'essuie la suie

Je regarde l'azur et il est gris.
Regardez là où je regarde car je ne saurais vous le décrire. Je suis lasse de dire. Je regarde.
Il pleut dehors. Il pleut dans la maison.
Je regarde la pluie qui coule et m'efface comme de la suie.
Regardez-moi disparaître. Regardez-moi regarder. Regardez-moi vous échapper.
Je suis celle qui regarde. Je ne suis qu'une paire d'yeux.


An eye for an eye.
An eye is an eye.
Under the eye lies the lie.
Under the lie I still lie.
Under the lie lies the I.


La pluie s'insinue dans les fentes de la maison et de vos cicatrices ébréchées, goutte aux poutres gonflées d'humidité, se dissipe en vapeurs pour s'infiltrer dans les vêtements, glace aux coins brisés des vitres, se cristallise aux fenêtres et sous vos iris délavés. La pluie brouille vos certitudes, vos sens, vos songes.

09/11/2008

La fille aux allumettes

Quand pointe la nuit, elle craque une allumette.
Les ombres déguisent ses angoisses nocturnes.
Ces ombres sont si souples sous leur coiffe brune !
Elle s'en fait une robe sombre; elle s'apprête.

Voilée d'un noir velours, elle va à la fête -
A ce bal intemporel, hors le monde diurne.
Là dansent les couleurs, mille dames de Prune,
Et tant de Bleus galants; tant d'amitiés muettes !

Elle craque une allumette pour tout oublier :
Tristesse, solitude, et le temps du sablier.
Ces couleurs acérées aiguisent les douleurs -
Elles ficellent son cœur - il se morcèle en miettes.
Quand pointe la nuit, elle craque une allumette,
Elle se brûle aux doigts; elle pleure sans frayeur.