07/12/2008

Or so I see...




haute comme une fleur
belle comme un arbre
ni son ni odeur
le silence est de marbre

A tailler les pétales, à sauter les haies, à crever les pistils, à cisailler les feuilles, à pisser tout autour. Ah ! mais... Vos fleurs sont des remèdes, vos fleurs sont les remèdes à mon cœur. Le chemin n'est pas si long qui mène à la floraison. Blossom. Je ferai un bouquet de violettes, un bouquet de muguet, un bouquet de chrysanthèmes, un bouquet de chromosomes. Et les saisons passeront une à une. Cueillez un à un les cris qui poussent sous mes ongles, le long de mes paupières. Oh Mai !

- Imaginez-vous, monsieur le Lapin fou, monsieur chat-beauté, monsieur je-fume-le-narguilé, que j'ai discuté ce matin même avec des œillets
- Des œillets, vraiment? On dit que ceux-ci sont difficiles, et perspicaces.
- Oh, vraiment observateurs. Certains d'entrent eux portent même des lunettes.
- S'ils portent des lunettes, ils n'ont sans doute pas mal aux dents.
- Mais voyons, monsieur je-fume-le-lapin, les œillets n'ont pas de dents.
- Ah vraiment, madame?
- Voyons, dîtes "mademoiselle", je n'ai que vingt ans.
- Si vous insistez, madame.
- Merci bien, monsieur le chat-fou.
- Je vois... Je vois... Vous en êtes bien sûr? Cela est-il si apparent?
- Plus clair que de l'eau rocheuse.
- Je vois... On dit que les fleurs aiment le soleil.
- Oui, certains d'entrent eux ne le regardent cependant jamais de face.
- Comme la lune.
- La lune?
- Oui. La lune. Je ne saurais vous dire pourquoi cependant.
- On ne peut vraiment pas avoir une conversation censée avec vous.
- Censée? Sensée?
- Voyons, voyons, l'orthographe ne s'entend pas, monsieur le narguilé-beauté.
- Suis-je sceau?
- Quelles armes?
- Des armes? Madame, vous n'entendez vraiment rien à rien.
- Et vous, vous êtes vraiment de très mauvaise compagnie. Je m'en vais.

Et je ne vous regretterai pas ! Songeait-elle en s'éloignant. Cet énergumène ne comprenait vraiment rien, et ne l'aidait vraiment pas à retrouver son chemin. Parce que, bien sûr, elle s'était perdue. Perdue au milieu des fleurs, des fleurs géantes qui lui faisait de l'ombre, et lui faisait craindre de ne plus jamais revoir la lumière du soleil. Et cependant, il devait bien y avoir une issue hors de cette jungle miniature. Je suis si petite, se disait-elle, jamais je ne me ferai remarquer. Et pourtant, il devait bien y avoir une issue...

02/12/2008

La fête I

La brume éclaire la nuit d'un scintillement glacé d'hiver; elle s'élève en volutes timorées au-dessus d'un grand chapiteau aux couleurs obscènes : bleu, orange, rouge, vert, mauve. Des couleurs qui crient, des couleurs qui rient, des couleurs qui prient, qui demandent l'absolution, qui se repentent des spectacles dont elles ont été témoins. Elles sont la césure agressive du dedans et du dehors. Dehors : la pluie, le froid, le calme. Dedans : la chaleur, le plaisir, l'ignominie. Le silence libre du repos bercé par l'éclat diaphane de la lune - le silence contraint de la douleur observée par des milliers d'yeux violés.
Des danseuses font des pointes, elles s'accordent en se transperçant, elles sont la souplesse rigide de la beauté automate - quelque chose qui n'existe pas. Des éléphants miment les mouvements des demoiselles, forment des arabesques gigantesques, arborent leurs trompes massives aux allures de serpents; leur regard est dur, leur peau est rugueuse, ils sont une masse invisible. Des trapézistes, des fakirs, des magiciens, des foulards, rubans et falbalas, des bâtons de feu, des couteaux, des chevaux, des juments, des hyènes, des lions effrayés, des autruches, des panthères, des ours, des vautours, des serpents, des boucs, des chèvres, des bœufs, des baleines, des licornes, des singes, des zèbres, des chimères, des harpies, des minotaures, des centaures, des sirènes, des satyres.
Le clown est assis dans un coin, il ne voit pas la funambule le regarder en sanglotant. Son maquillage coule; las, il fait tourner la manette d'un orgue de barbarie.


Découvrez Leila!

16/11/2008

J'essuie la suie

Je regarde l'azur et il est gris.
Regardez là où je regarde car je ne saurais vous le décrire. Je suis lasse de dire. Je regarde.
Il pleut dehors. Il pleut dans la maison.
Je regarde la pluie qui coule et m'efface comme de la suie.
Regardez-moi disparaître. Regardez-moi regarder. Regardez-moi vous échapper.
Je suis celle qui regarde. Je ne suis qu'une paire d'yeux.


An eye for an eye.
An eye is an eye.
Under the eye lies the lie.
Under the lie I still lie.
Under the lie lies the I.


La pluie s'insinue dans les fentes de la maison et de vos cicatrices ébréchées, goutte aux poutres gonflées d'humidité, se dissipe en vapeurs pour s'infiltrer dans les vêtements, glace aux coins brisés des vitres, se cristallise aux fenêtres et sous vos iris délavés. La pluie brouille vos certitudes, vos sens, vos songes.

09/11/2008

La fille aux allumettes

Quand pointe la nuit, elle craque une allumette.
Les ombres déguisent ses angoisses nocturnes.
Ces ombres sont si souples sous leur coiffe brune !
Elle s'en fait une robe sombre; elle s'apprête.

Voilée d'un noir velours, elle va à la fête -
A ce bal intemporel, hors le monde diurne.
Là dansent les couleurs, mille dames de Prune,
Et tant de Bleus galants; tant d'amitiés muettes !

Elle craque une allumette pour tout oublier :
Tristesse, solitude, et le temps du sablier.
Ces couleurs acérées aiguisent les douleurs -
Elles ficellent son cœur - il se morcèle en miettes.
Quand pointe la nuit, elle craque une allumette,
Elle se brûle aux doigts; elle pleure sans frayeur.

19/10/2008

Anxiety

Il y a des moments où je m'échappe à moi-même.
Pourtant, cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Depuis plusieurs mois je me sens moins douloureusement sensible, plus sereine, comme anesthésiée. Ce repos général me semblait inadmissible au début, mais aujourd'hui je me dis qu'il me rend la vie acceptable. Je ne me sens plus impuissante, j'ai l'intime conviction que je peux invoquer ma sensibilité si je le veux, quand je le veux. Je ne dis pas que je contrôle tout, ou que j'en ai seulement la prétention, mais je peux vivre sans être véritablement troublée.
Mais il y a quelques jours j'ai fait une crise d'angoisse en cours:

- accélération du rythme cardiaque
- picotements et brûlante chaleur au visage
- vertiges
- bouffées de chaleur
- douleur à rester immobile

Si j'en parle, on me dit soit que ce "n'est rien, tu sais bien, c'est toujours pareil en automne.", soit "tu vois, tu ne vas vraiment pas bien, tu devrais te secouer un peu", soit... rien. Ai-je vraiment à choisir entre une relativisation excessive et une dramatisation à l'extrême? Je déteste cette tendance familiale à faire comme si tout allait toujours bien dans le meilleur des mondes, ça me fait faire des rêves œdipiens glauques au possible. Mais je ne supporte pas non plus cette aggravation systématique de tout symptôme qui enfante de l'hypocondrie et mêle la fiction à la réalité à m'en laisser complètement délirante. En réalité, il n'y a sans doute rien à répondre à cela. Si j'en reste à ce vertige auquel je peux prêter d'autres explications que le malaise psychique (la fatigue, le cycle menstruel, le rhume, le travail et sa relative rétribution), je ne chercherai sans doute pas à me faire du mal par des chimères, qui se sont souvent avérées encore plus douloureuses que la réalité. Mais si ça recommence, si ça s'aggrave, il me faudra peut-être sérieusement considérer l'idée d'aller voir quelqu'un, dans ce cas, il faudra que ça vienne de moi.
Je me sens vraiment saine d'un point de vue intellectuel. Cependant, ce serait bien sûr de l'idiotie de considérer que je peux être infaillible, forte sans limite.
Il y a aussi ces rêves "érotiques" qui n'ont absolument rien de sensuel, mais dégorgent un sentiment de raté, d'insatisfaction, d'ennui.
Ce qui m'inquiète un peu en fait c'est l'ennui que j'éprouve à l'idée de revoir ma vie sentimentale - et ma vie relationnelle en général - mon absence de désir réel malgré un certain manque affectif. Je veux plaire à un moment, et ça me fatigue et me lasse le moment suivant. Les gens me frustrent ou me comprennent trop. Je n'arrive plus à retrouver le délice que j'éprouvais dans l'altérité.

Peut-être que la littérature véritablement lue apporte une forme d'expérience. J'ai la sensation d'avoir des centaines d'années, je ne comprends pas pourquoi mes cheveux ne sont pas blancs et mes mains ne sont pas ridées. Je ne comprends pas mon corps. Je ne me vois pas. J'ai l'impression d'être devenue monstrueusement contradictoire.

17/10/2008

19/08/2008

Les pleurs d'Ida

Faîtes rougir le monde, bleuir le vent et pleurer les fleurs. Mais déjà leurs couleurs se fanent, leur larmes s'ennuient en s'évanouissant, avant même que le temps n'ait rattrapé sa course qui n'a ni commencement ni fin, mais n'est qu'éternel errement, recommençant sans jamais s'arrêter. Ses bras débiles tombent, inertes et impuissants, ses membres se disloquent et sa tête tourbillonne. Ses mains se heurtent. Ses mains marquent le rythme que des milliards d'êtres interprètent à tort - à travers. Trouvez des images nouvelles, trouvez des sons inconnus, chantez - faîtes pleurer les fleurs. Mais leurs larmes s'ennuient. Si elles perdent leurs pétales pour danser en secret à la tombée de la nuit, venez les espionner au trou de la serrure dont le verrou béant est une plaie infectée, une prison ouverte aux voyeurs - dans leur regard dégorgeant une avidité morbide à en faire pâlir les morts se terre une angoisse profonde, se reflète une absurdité maladive, un désespoir prêt à tout pour leurrer ceux qui le regarde les observer. Mais les fleurs ne font que danser; faîtes-les pleurer leurs larmes cachées, leurs couleurs inattendues, pour vous en vêtir en trop forte froidure. Faîtes-les pleurer la bile amère que vous cachez au fond de vous, derrière un masque rouge d'argent, bleu de bitume - mais comme ces couleurs sont belles à l'intérieur!, trop belles! - quittez-les, parez-en la tristesse des fleurs amères.

03/08/2008

La neige et la flamme

Il y avait un prince qui s'appelait Neige. On l'appelait ainsi parce que ses cheveux étaient blancs, et ses yeux étaient gris, comme s'ils avaient glacé, comme si leur iris s'était décoloré lors d'un hiver rigoureux. On disait aussi parfois que son cœur était fait de neige poudreuse, qu'il était froid et instable. Neige voulait se fiancer, parce qu'il était en âge de se marier et qu'il pensait qu'une compagne réchaufferait son cœur glacé. Alors il embrassa ses parents, salua ses frères et partit en voyage, avec pour seul bagage l'éclat de sa peau diaphane, la poudreuse de sa chevelure, et le reflet sombre de son œil d'argent. Il s'envola d'abord sur le dos d'un aigle qui l'emmena si haut qu'il fit la connaissance d'une étoile dénommée Stella. Stella irradiait de lumière claire, et Neige, qui était très narcissique, s'enticha de l'étoile de laquelle émanait une clarté familière. Il la demanda en mariage, Stella demanda quel présent il lui proposait en échange.
- Si tu acceptes de m'épouser, je t'offre l'éclat de ma peau, pour que tu puisses briller encore davantage.
- Ma foi, je sais briller, et si je brille plus fort, je serai encore plus belle que mes sœurs. Et puis, tu es jeune et beau. J'accepte.
Neige lui offrit la clarté de sa peau, et Stella, ravie de ce cadeau, se dit qu'elle avait bien de la chance d'épouser un garçon si beau et si hors du commun. Ils préparèrent les cérémonies, et tout le ciel s'agita autour d'eux. Au moment de dire oui, Neige se dit qu'il ne voulait pas passer l'éternité avec la même femme, et son cœur de glace prit du plaisir à voir le visage de Stella se décomposer. Il s'enfuit la nuit suivante, mais comme il avait donné l'éclat de sa peau à Stella, il était déjà moins remarquablement beau.
Son aigle se posa alors sur une haute montagne orientale qui s'appelait Mona. Mona était grande, le matin elle se fardait de mille couleurs plus ravissantes les unes que les autres : du bleu à la lavande au rosé. Comme c'était l'hiver, les neiges faisaient à sa cime comme une coiffe élégante. Neige se dit que cette montagne savait se parer et que ce devait faire une femme bien coquette, alors il la demanda en mariage:
- Si tu m'épouses, je t'offrirai la poudre éternelle de mes cheveux, pour qu'en toute saison tu resplendisse davantage.
Mona, qui était comme nous l'avons dit fort coquette, apprécia ce présent et se dit que le prince devait être un bon parti, qu'il était beau et qu'il saurait l'estimer à sa juste valeur; cela suffit pour qu'elle en tombât amoureuse, et elle accepta avec plaisir. Alors on prépara le mariage; mais quand vint le jour, Neige se dit qu'il ne pourrait vraiment pas épouser cette femme si cela voulait dire passer une grande partie de sa vie avec elle seule, et son cœur refroidi lui conseilla de prendre la fuite, ce qu'il fit en se hâtant. Mais sa chevelure s'était affadi elle aussi, et elle avait pris une teinte bien banale.
Neige s'aventura dans une grande prairie le soir, où il rencontra une fleur qui s'ouvrait au crépuscule et qui se prénommait Belle de Nuit. Il la trouva fort originale et voulut l'épouser. La fleur, déjà à moitié conquise par son regard nocturne, lui demanda ce qu'il pouvait lui offrir et il lui proposa de lui donner l'obscurité de ses iris. Flattée, elle accepta. Ils ne purent se marier, parce que Neige fila quand il se vit si ordinaire face à son reflet dans le lac, et son cœur hivernal lui murmurait que, de toutes façons, une fleur si belle était forcément une mijaurée.
Neige se trouva alors fort laid et fort seul, et il s'enfuit loin. C'est alors qu'il vit une lueur au matin. Il s'approcha de la lumière et vit qu'il s'agissait d'une flamme. Il la trouva fort belle, quoique simple. Et elle lui murmura qu'elle vacillait et qu'elle allait bientôt mourir, mais s'il acceptait de lui donner un baiser pour qu'elle garde le souvenir d'une vie bien achevée, il serait bien bon. Le cœur de Neige chercha bien sûr à le faire hésiter, mais Neige était bien seul, et la flamme bien jolie. Il l'embrassa et son cœur fondit. Neige et la flamme furent très heureux, même si cela ne dura pas l'éternité.

02/08/2008

[Insomnie]

C'est fou quand j'y pense - cette idée m'empêche de dormir tant elle est angoissante : j'ai refoulé un peu plus d'un an de mon existence. Je n'en ai qu'un vague souvenir brumeux auquel je ne fais guère confiance. Je ne sais plus vraiment ce que j'ai fait cette année-là, mais son évocation m'inspire un sentiment de mollesse et de lâcheté. Je n'ai pas cessé d'être moi ou de vivre, mais j'ai vraiment été frileuse à un point qui me fait subitement honte. Cette honte m'empêche de dormir aussi. J'aimerais m'excuser, mais je doute que ça soit une solution. Je ne peux pas me justifier ni ressentir de la culpabilité, précisément parce que je ne sais plus ce que j'ai dit ou fait de vraiment important. Ça m'échappe. Et tout d'un coup je suis frappée par la gravité de cette situation. J'ai été triste, j'ai été lâche et je ne me souviens plus vraiment de tout ça.
Et j'aimerais m'en souvenir, parce que cette lâcheté ternit mon orgueil. Je ne veux pas recommencer ça, jamais. Le courage me donne la mémoire.
La mollesse me file la gerbe.
Ma mollesse me donne des envie d'autodestruction qui me rendent molle...
Il faut être forte, pour trouver du courage, pour se souvenir.
Se souvenir, c'est pouvoir raconter. Raconter son histoire, c'est se parer d'une vie digne de ce nom.
Je suis peut-être vraiment orgueilleuse, mais ça ne me semble pas être nécessairement une mauvaise chose.
J'aimerais être plus forte - et avoir les yeux et les oreilles grands ouverts. Sortir de ce petit esprit étriqué pour voir et apprendre de ses erreurs. Je crains de ne pas seulement m'être amochée moi-même. Mais considérer cette éventualité représente un fardeau vraiment lourd.
Il fallait dire les choses, au lieu de les regretter et les oublier.
Il fallait les dire, au lieu de souffrir, et de s'affaiblir.
Il faudra trouver le courage de dire.
Les moments opportuns sont sans doute passés. Je ne peux plus supporter les regrets, mais il faut songer à se souvenir.
J'ai tellement envie de demander pardon, mais c'est trop tard. Ça me fait pleurer de honte.
Je ne peux plus dormir.

22/06/2008

Burn it all

Il faut que je me détruise. Je dois griffer, laminer et arracher ma peau. Je dois démembrer mes certitudes. Je dois casser les carcasses superposées de mon armure. Une par une, je les soulèverai, les frapperai, les brûlerai. Et je brûlerai mes souvenirs. Et je brûlerai mon enfance. Et je brûlerai toute la mue immonde dont je dois me dégager, me déloger.
Je serai nue, complètement nue, complètement neuve.
Peut-être trouverai-je du beau à nouveau. Peut-être serai-je libre.
Serai-je jamais libre ?
Serai-je jamais libérée de mes rêves ; libérée ailleurs que dans mes rêves ; libérée de la réalité ?
Il faut partir loin de moi. Loin du moi d’avant.
Il faut percer la peau. Il faut couper les cheveux. Il faut quitter les chaînes.
Il faut brûler les chaînes.

Je ne suis plus amoureuse depuis mille ans. Depuis mille ans, je m’ennuie.
Je voudrais que vous m’emmeniez loin de moi, loin des autres. Je voudrais que vous m’amoureusiez. M’amoureuserez-vous ?
Regarde-moi droit dans les yeux. Dis-moi. Dis-moi ce que tu veux –
Ce silence m’exaspère.
Cette politesse me fatigue.
Cette bienséance me détruit.